Les piquants
Les piquants
Piments, poivre et gingembre – Aulx et moutardes – Et d'autres
I. Un peu, pas trop ou très piquant ?
1. L'échelle Scoville
L’échelle de Scoville est une échelle de mesure de la force des piments inventée en 1912 par le pharmacologue Wilbur Scoville dans le cadre de son travail dans la société Parke Davis, à Détroit. Son but est de renseigner sur la teneur en capsaïcine, molécule responsable de la force du piment.
2. Définition
Pour établir son classement, Wilbur Scoville préparait une solution de piment frais entier réduit en purée mélangé avec de l'eau sucrée. Cette solution était généralement testée par cinq personnes et tant que la sensation de brûlure du piment subsistait, il en augmentait la dilution. Lorsque la sensation de brûlure disparaissait, la valeur de la dilution servait de mesure à la force du piment.
Par exemple, un piment doux, ne contenant pas de capsaïcine, avait un degré de zéro, ce qui signifie aucune sensation de brûlure détectable même sans dilution. À l'opposé, pour les piments les plus forts, un taux de 300 000, signifiait que leur extrait devait être dilué 300 000 fois avant que la capsaïcine ne devienne indétectable.
3. Échelle simplifiée
Pour faciliter son interprétation dans un contexte culinaire, l'échelle de Scoville est aussi présentée sous la forme d'une table de 0 à 10.
Table simplifiée de Scoville
Degré |
Appréciation |
Unités Scoville |
Exemple |
0 |
neutre |
0 – 100 |
Poivrons |
1 |
doux |
100 – 500 |
Paprika doux |
2 |
chaleureux |
500 – 1.000 |
Piment d'Anaheim |
3 |
relevé |
1.000 – 1.500 |
Piment Ancho |
4 |
chaud |
1.500 – 2.500 |
Piment d'Espelette |
5 |
fort |
2.500 – 5.000 |
Piment Chimayo |
6 |
ardent |
5.000 – 15.000 |
Paprika fort |
7 |
brûlant |
15.000 – 30.000 |
Piment Cascabel |
8 |
torride |
30.000 – 50.000 |
Piment de Cayenne |
9 |
volcanique |
50.000 – 100.000 |
Piment tabasco |
10 |
explosif |
100.000 et plus |
Piment habanero ou des Antilles |
102 |
oufti |
577.000 |
|
105 |
arfffffffff |
2 009 231 |
|
1010 |
criminel |
2.000.000 – 5.300.000 |
Bombe d'auto-défense |
10z |
inqualifiable |
15.000.000 – 16.000.000 |
Capsaïcine pure |
4. Mesure par chromatographie en phase liquide
Un des points faibles du test de Scoville était son imprécision, liée à la subjectivité humaine, notamment par le fait que l'habitude de consommation du piment change le niveau personnel de sensibilité : un piment peut être considéré comme très fort par une personne peu habituée au piment et sembler doux à une personne consommant fréquemment du piment, et depuis l'enfance. Cette imprécision est aussi renforcée par le fait que la force des piments d'une même variété peut varier fortement en raison de l'ensoleillement, voire du terroir. C'est pourquoi on utilise aujourd’hui la chromatographie en phase liquide pour mesurer le taux de capsaïcine d’une variété de piment.
II. Le piquant des piments, poivre et gingembre
1. Aux sources du piquant
- Le piquant du piment : Le piquant des piments est dû principalement à la capsaïcine et à quelques molécules proches, les capsaïcinoïdes.
- Le piquant des poivres : Principalement des molécules isomères de la pipérine, soit synthétisées par la plante, soit obtenues par action de la lumière et de la chaleur
- Le piquant des gingembres, galanga et autres zingibéracées : Ils est formé de trois familles de molécules proches : les gingerols, les shoagols , et les paradols.
2. La perception du piquant
Non, le piquant n'est pas un 'goût' au sens limité de l'amer, du sucré ou de l'acide. D'ailleurs on le ressent pas uniquement sur la langue mais dans toute la bouche ! Il fait partie du goût au sens sensation synthétique comprenant l'odorat, la sapiction, l'ouïe, le toucher…
A l'origine, la sensation de piquant est un message d'alarme, pour nous avertir d'une agression potentielle. Ce message d'alarme comme de nombreux autres passe par le nerf trijumeau dont les trois branches innervent les muqueuses des yeux, de la bouche et du nez, ainsi que dans une moindre mesure toute la peau du visage.
III. Les piquants des aulx et moutardes
1. Aux sources du piquant
- Piquant des aulx - les sulfides : L'ail, l'oignon, l'échalote, la ciboulette tous des allium ont tous le même type de principe piquants des sulfoxydes et leurs dérivés !
- Piquant des moutardes et autres brassicacées - les isothiocyanates : Moutardes, raifort, wasabi, câpres, capucine, cresson, choux toutes ces plantes ont du piquant. Un piquant qui est basé sur le même principe que celui des aulx : un précurseur sans goût qui à besoin d'une enzyme pour créer la molécule piquante.
2. La perception du piquant
Comme pour le piquant du piment, c'est le nerf trijumeau qui sert à transporter le message douloureux. Mais dans ce cas, il semble qu'il n'y ai pas de récepteur au sens classique, mais que ces molécules perturbent directement les membranes cellulaires et en particulier celle des neurones présents à la surface des muqueuses.
Ils agissent beaucoup plus au niveau des yeux et du nez car ces molécules sont très volatiles et donc atteignent facilement ces muqueuses, déclenchant ainsi des larmes à distance.
Ces composés soufrés servent à la plante à se protéger contre les agressions des herbivores, cela explique aussi pourquoi certaines personnes les tolèrent mal.
IV. Autres piquants : le poivre de Tasmanie, le poivre d'eau
Et oui, il existe d'autres sources de piquants que celles déjà citées, comme par exemple le poivre de Tasmanie (Tasmania spp.) et le poivre d'eau (Polygonum hydropiper).
Ici pas de produits soufrés comme chez les alliums ou les brassicacées, ni de vanilloides comme chez le piment, poivre et gingembre mais des sesquiterpènes dialdéhydes (ie des molécules dont le squelette est formé de 3 motifs isoprènes et qui portent deux fonctions aldéhyde proches).
Chez le poivre d'eau
(polygonum hydropiper - polygonacées)
Cette épice fut un succédané du poivre dans les campagnes européennes, mais son usage est maintenant rare. Au Japon, elle est connue sous le nom de mejiso (ou benitade) et est toujours utilisée pour la confection de certains sashimis. Il est à noter que le n'go gai, proche cousin du poivre d'eau, est dépourvu de ce principe piquant.
Chez le poivre de Tasmanie
(Tasmania spp. - winteracées)
On retrouve le polygodial, le représentant le plus répandu de cette famille, mais non pas sous forme libre mais sous une forme dite "protégée" : le polygonial est caché dans une molécule plus grosse, et donc inactif. Pour se retrouver libre et actif, le polygonial a besoin d'eau, mais la réaction n'est pas instantanée. Cela explique que le piquant du poivre de Tasmanie n'est pas instantané mais se développe petit à petit dans la bouche.
On retrouve le polygodial dans d'autres épices, comme celles du genre Warburgia - Canellacées dont l'écorce est utilisée en Afrique sous les noms de apacha, soke, sogomaitha, mkaa…
Mais aussi chez les zingibéracées
comme le gingembre, le galanga…
Etonnamment, les zingibéracées, déjà bien pourvus en principe piquant de type vanilloïdes, sont aussi munis de dialdéhydes. Ici, ils sont d'un autre type et les plus fréquents sont : l'aframodial et le (+)-E-labda-8(17),12-dien-15,16-dial. On les trouve dans quasiment tous les rhizomes de la famille, du gingembre (zingiber officinale), du galanga (alpinia galanga) et ainsi que dans ceux de nombreuses autres espèces comme la cardamome camerounaise ( ou achoh, aframomum daniellii)…
Ces actifs, bien que moins puissants que la capsaïcine, servent de moyen de protection contre des prédateurs éventuels. Curieusement, ces actifs sont présents chez des êtres vivants très variés : des plantes supérieures comme les épices citées, des champignons et même chez certains mollusques comme les nudibranches.
Pour le principe de perception de cette sensation chaude, le nerf trijumeau rentre en jeu et il semble que le mécanisme mis en œuvre soit similaire à celui des vanilloïdes.
V. Huile pimentée
L'huile pimentée sert pour les vinaigrettes, les viandes à rôtir, les volailles, les poissons, les légumes...
Ingrédients pour 1 bocal de 250g (recette de supertoinette.com) :
- 2 g de piments langues d'oiseau
- 220 g d'huile d'olive
- 1 g d'herbes de Provence
- 0,1 g de feuilles de laurier
- 28 g d'Armagnac
- 25 g de gousses d'ail
- 3 g de poivre 4 baies environ 100 grains
- 40 g de poivron rouge
Préparation :
- Appuyer sur la racine de chaque gousse d'ail sur la planche, avant d'éplucher. Couper en lamelles.
- Prendre le poivron rouge. Enfoncer la queue à l'intérieur du poivron, elle se détache et en la retirant, les graines tombent également.
- Secouer le poivron, les grains s'enlèvent.
- Couper le poivron en deux parties égales dans le sens de la longueur.
- Enlever les membranes blanches de l'intérieur.
- Passer sous l'eau courante pour enlever grains et salissures.
- Egoutter. Couper en petits dés.
- Prendre une bouteille pouvant contenir 300 g d'huile.
- Dans la bouteille, ajouter les piments langues d'oiseau, l'huile, les herbes de Provence, les feuilles de laurier, l'armagnac, l'ail, le poivre 4 baies.
- Ajouter les dés de poivron rouges.
- Secouer en fermant le haut de la bouteille.
- Goûter régulièrement après 15 jours de macération.
- Filtrer et mettre en flacon quand la force voulue sera atteinte.
VI. Huile pimentée concentrée à ma façon
METTRE DES GANTS !
Ingrédients :
- Piments "Red Savina"
- Huile d'olive
- Armagnac
Préparation :
- Laver et couper les piments en deux.
- Epépiner et enlever les membranes blanches.
- Faire chauffer l'huile et y plonger les piments.
- Lorsque les peaux se détachent, les retirer.
- Mixer.
- Retirer du feu et laisser refroidir.
- Ajouter l'Armagnac.
- Mettre dans une bouteille et laisser macérer 3 semaines.
- Filtrer et mettre dans des bouteilles munies de pipettes (pour une assiette de bolo : 3 gouttes maximum).
VII. Conseils
- Pour faire passer le goût du piquant boire du lait ou manger du yogourt : la capsaïcine est liposoluble.
- Toujours travailler avec des gants.
- Bien laver les ustensiles avant et surtout après préparation.
Sources : Wikipédia Toil'd'épices